En 2025, plus de 50 millions de Français détiennent un Livret A, souvent perçu comme un placement simple et sûr. Mais peu savent où va réellement l’argent qu’ils y déposent. Derrière cette épargne populaire se cache un système de gestion complexe, souvent opaque. Alors, entre logement social, entreprises cotées et financements controversés, que devient votre argent une fois déposé ?
Le Livret A : entre taux en baisse et gestion centralisée
Depuis février 2025, le taux du Livret A est passé de 3 % à 2,4 %, une décision motivée par la baisse de l’inflation. Ce taux, fixé deux fois par an, reste supérieur à celui d’autres produits bancaires classiques, mais son rendement réel, une fois l’inflation déduite, reste faible à long terme.
Les fonds collectés, qui atteignaient 444,2 milliards d’euros fin mars, sont centralisés à la Caisse des Dépôts. Officiellement, ils servent à financer le logement social, les hôpitaux ou la transition énergétique. Mais dans la pratique, une partie est aussi investie dans des actions et obligations d’entreprises.
Un exemple frappant illustre les limites de ce placement : un épargnant ayant déposé 10 euros en 2005 sur son Livret A se retrouve avec seulement 13,70 euros vingt ans plus tard. Face à cette rentabilité décevante, de nombreux Français se tournent vers le LEP ou l’assurance-vie pour espérer un meilleur rendement.
Ce que révèle l’enquête sur les usages réels des fonds
Une question revient souvent : l’argent du Livret A finance-t-il vraiment l’intérêt général ? Dans un reportage diffusé en mai 2025, le journaliste Hugo Clément a mis en lumière des investissements surprenants. Il révèle que la Caisse des Dépôts détient plus d’un milliard d’euros d’actions chez Saint-Gobain, mais aussi des revenus liés à la chasse à courre sur des terres forestières.
L’enquête montre aussi que certaines grandes banques continuent de financer des projets polluants à l’étranger via des entreprises liées au charbon ou au gaz. Le Crédit Agricole, pourtant promoteur d’une finance responsable, a dû se retirer d’un projet gazier sous pression citoyenne.
Des militants comme Peter Bosip, venu de Papouasie, ou Ariel Le Bourdonnec, ancien salarié d’un grand assureur, dénoncent cette contradiction entre communication verte et investissements opaques. Le Livret A, tout comme le LDDS, finance parfois des projets éloignés de l’image solidaire que leur nom suggère.
Livret A : peut-on vraiment choisir où va son argent ?
Beaucoup d’épargnants pensent que placer leur argent sur un Livret A ou une assurance-vie responsable garantit une certaine éthique. En réalité, la traçabilité des fonds reste très limitée. Même avec le label ISR, certaines assurances-vie ont soutenu des groupes pétroliers comme ExxonMobil ou TotalEnergies.
Depuis janvier 2025, les fonds ISR ne peuvent plus investir dans les énergies fossiles. Toutefois, certaines sociétés de gestion préfèrent abandonner ce label plutôt que modifier leur stratégie. Cela alimente la défiance de nombreux clients, désireux de financer des projets alignés avec leurs valeurs.
Pour l’instant, aucune plateforme officielle ne permet de connaître en détail les entreprises financées via les fonds du Livret A. Les associations comme Reclaim Finance militent pour plus de transparence. En attendant, les épargnants n’ont guère d’autre choix que de s’informer eux-mêmes… ou d’espérer une réforme du système.